mercredi 13 novembre 2019

Ange Le Bruchec : au-delà de l’Artiste, l’Homme - C.S.


Ange Le Bruchec : au-delà de l’Artiste, l’Homme

« L’artiste est la main qui par l’usage de telle ou telle touche met l’âme humaine en vibration »
Wassily Kandinsky


L’artiste, je l’ai rencontré pour la première fois au vernissage de l’exposition annuelle de son atelier « Côté Mer ». Les élèves y présentaient leur travail de l’année sur un thème donné et selon des formats imposés.

Comme de tous les arts la peinture est le domaine qui m’est le plus étranger, le plus inconnu et le plus hermétique, c’est en parfaite béotienne que j’ai parcouru l’exposition et observé les différentes œuvres. Malgré leur diversité, elles revêtaient souvent un « air de famille », comme une « marque de fabrique », laissant transparaître l’influence du maître dont j’avais pu remarquer la signature sur quelques-unes des toiles, et j’ai hâtivement conclu à une certaine autorité de la part du professeur.

Si quelques tableaux m’ont attirée et ont fait naître un certain questionnement, voire une émotion fugace, d’autres ne présentaient à mon regard inculte aucun intérêt. Devant Ange Le Bruchec soi-même, j’ai osé évaluer un chef d’œuvre universel indiscutable à l’aune de mon propre ressenti. Crime de lèse-majesté ! L’artiste, Ange Le Bruchec, m’a alors rappelé qu’avant tout jugement, il convenait de se pencher sur le contexte historique, d’étudier la ou les techniques employées, d’écouter tout un lot d’explications plus ou moins cartésiennes… Et j’ai pourtant affirmé haut et fort que pour moi le seul critère en la matière était l’intensité de l’émotion provoquée et ressentie, et que personne ne me ferait changer d’avis !

La rencontre aurait pu en rester là. Mais voilà, chaque année, pendant dix ans, j’ai été invitée au vernissage de l’exposition « Côté Mer » et au fil du temps, sous l’artiste j’ai découvert l’homme, un peu de son art à faire vivre son atelier et accompagner ses élèves, un peu de sa vision du monde, et enfin un peu de sa vie. Quelle aventure extraordinaire m’attendait !

D’année en année, j’ai constaté combien le maître a su faire prendre leur envol à ses élèves et en se retirant sur la pointe des pieds, en s’effaçant pour leur permettre de découvrir et d’affirmer leur personnalité. Ils se sont ainsi affranchis de son influence pour tracer et suivre leur propre chemin de liberté et de création. Exposition après exposition, le visiteur amateur assidu reconnait facilement, d’un simple regard l’auteur de telle ou telle œuvre. N’est-ce pas là la plus belle des récompenses pour un artiste : avoir réussi, par son dévouement et son génie, à transmettre son art en faisant éclore de nouveaux talents insoupçonnés et parfois ignorés des élèves eux-mêmes ?


Quant à l’homme, je ne l’ai vraiment découvert qu’à l’occasion de la rétrospective qui lui a été consacrée à l’espace culturel Passe Ouest à Ploemeur.

Devant un tableau d’Ange Le Bruchec, l’œil regarde, et voit, l’œil écoute, et entend, l’œil apprécie, et comprend. Au détour d’une porte, d’une fenêtre, d’un intérieur, d’un arbre, d’un oiseau, d’un paysage, d’un personnage au visage simplement esquissé, suggéré, les contours de l’homme se dessinent et se devinent pas à pas. Si selon Oscar Wilde « tout portrait qu’on peint avec âme est un portrait non du modèle mais de l’artiste », la peinture d’Ange Le Bruchec en est la parfaite illustration et trahit son profond désir de discrétion, voire d’anonymat, celui d’une « particule dans l’infini de la vie », comme il aime à se définir lui-même. Lui qui pour mieux nous parler a choisi d’utiliser, entre autres, son don de peintre. Edward Hopper n’affirme-t-il pas « Si vous pouviez le dire avec des mots, il n’y aurait aucune raison de le peindre ».

Bien au-delà d’une « simple représentation de la nature et des êtres vivants » selon ses propres termes, sa peinture est sa vie elle-même, avec ses souffrances enfouies dans le secret des cellules de son corps, avec ses rêves d’amour et d’absolu, avec sa solitude consubstantielle, son émerveillent de chaque instant devant la fragilité de la beauté, et aussi sa sagesse et sa sérénité, nourries de ses voyages, de son ouverture au monde et aux autres. Comme écrit Monet, une seule obsession « rendre ce que je ressens ». C’est ainsi que ses toiles, huiles pour l’immense majorité, selon leurs teintes chaudes ou froides, nous envoient ces mystérieuses vibrations, ces ondes lumineuses et musicales, qui nous émeuvent parfois jusqu’aux larmes.

C.S.
VIII 2019

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